Il était tôt ce jour-là, quand Thomas prit place dans la salle de Défense contre les Forces du Mal. Son premier cours depuis la mort du vieux Rupperts. Il ne ressentait rien de particulier, plutôt l'impression d'un manque latent, qui ne blesserait pas, mais qui pèserait. C'était le deuil, une sensation qu'il connaissait parfaitement et qu'il aurait plutôt voulu éviter. Mais on ne fait pas toujours ce que l'on veut.
Les étudiants intéressés par un cours sur "Les moyens d'action de la Magie Noire en général et les Sortilèges Interdits en particulier" étaient donc priés de se ramener fissa-fissa à la Cave, sous peine de servir de cobayes. Un petit sourire s'accrocha au visage du professeur, alors qu'il réfléchissait à ce qu'il allait pouvoir raconter. Il allait bien sûr parler de lui, comment ne pas le faire ? C'était sans doute là l'un des domaines de la magie qui le concernaient le plus, personnellement.
Mais à trop ruminer des pensées si sombres, Thomas se dit qu'il n'allait pas réussir à faire son cours correctement. Et si quelque chose pouvait le sortir de telles rêveries malsaines, c'était bien l'impression qu'il allait mal faire son travail.
Proudmoore contempla la salle, une salle plutôt bien aménagée, avec un grand espace au milieu - il y avait veillé quand il avait fait changer la disposition des éléments, à son arrivée à l'Université. Cet espace-là serait bien utilisé lors des démonstrations - Thomas en frissonnait presque d'excitation, en se remémorant les aventures qu'il avait vécues en tant qu'Auror. En fermant les yeux et en faisant un effort d'imagination, il pouvait même entendre les sorts fuser autour de lui, et les méchants essayer d'incanter des Sortilèges Impardonnables pour s'en sortir...Bien entendu, les gentils gagnaient toujours.
C'est perdu dans ces pensées agréables que le Professeur Proudmoore se mit à déambuler dans "sa" salle, repoussant ici un siège, là une table. Puis il chercha dans un casier fermé à clef des cages dans lesquelles des animaux ressemblant vaguement à des rats de laboratoire ( en plus gros ) s'agitaient. Fasciné, il les observa un long moment, avant d'éclater d'un rire sans joie. Sa voix, grave et puissante, onctueuse et posée, s'éleva dans la salle, y résonant.
" Vous êtes des malins, vous. Vos sens sont bien développés. Vous avez parfaitement compris ce qui allait vous arriver. Et je m'en excuse, mais il faut bien montrer les choses telles qu'elles sont... "
Il haussa les épaules. Sans doute le fait de servir à éduquer les sorciers de demain n'était-il pas une compensation suffisante comparé à la valeur de leur vie pour ces rats de laboratoire, mais à vrai dire, Thomas ne leur demandait pas leur avis. Un sourire en coin vissé au visage, il se tourna vers la porte, et appela les étudiants les plus ponctuels à entrer.
" Je vous en prie, ne poireautez pas derrière la porte...Venez prendre place. "